Préjudice Scolaire, Universitaire ou de

Formation

6 décembre 2021


Ce poste de préjudice tend à objectiver les restrictions de l’accès à l’instruction ou la modification du cursus scolaire ou de formation indépendamment des objectifs professionnels.

I. Définition

❖        Rapport Dintilhac

 « Ce poste de préjudice à caractère patrimonial a pour objet de réparer la perte d’année(s) d’étude que ce soit scolaire, universitaire, de formation ou autre consécutives à la survenance du dommage subi par la victime directe.

Ce poste intègre, en outre, non seulement le retard scolaire ou de formation subie, mais aussi une possible modification d’orientation, voire une renonciation à toute formation qui obère ainsi gravement l’intégration de cette victime dans le monde du travail. »

Dans la nomenclature Dintilhac, il s’agit d’un préjudice post-consolidation, mais il sera en réalité à placer le plus souvent dans les postes temporaires, sans pour autant l’exclure à titre permanent, si cela est justifié.

❖        JURISPRUDENCE

-   Cass., Civ. 2ème, 18 mai 2017, n° 16-11.190 : le préjudice scolaire ou universitaire indemnise la perte d’années d’études scolaires, universitaires ou de formation, consécutive à la survenance du dommage ; ce poste de préjudice intègre, en outre, le retard scolaire subi, mais aussi une possible modification d’orientation 

 -     Cass., Civ. 2ème, 8 Mars 2018, n° 17-10.142 :  le préjudice scolaire, universitaire ou de formation ne peut être indemnisé au titre des pertes de gains professionnelles futures

-      Cass., Civ. 2ème, 7 Mars 2019, n° 17-25.855 : le préjudice scolaire, universitaire ou de formation constitue un poste de préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent et a fortiori du déficit fonctionnel temporaire

-      CE, 5ème et 6ème Ch. réu, 24 juillet 2019, n°408624, Publié : le préjudice scolaire revêt un caractère certain même si la victime n’avait pas encore débuté sa scolarité.

II. Contenu

L’expert décrit l’existence d’un préjudice Scolaire, Universitaire ou de Formation (PSUF), avant et/ou après la consolidation de la victime, qu’il doit faire figurer dans un poste autonome.

Le Préjudice Scolaire, Universitaire ou de Formation ne doit pas être confondu avec :

-      Le déficit fonctionnel Permanent

-      Les pertes de gains professionnelles futurs

Le Préjudice Scolaire, Universitaire ou de Formation inclut : 

* Arrêt du projet initial :

- Changement de projet : autre orientation, autre formation imposée par le handicap ;

- Arrêt de la scolarité ou de la formation : ne peut plus être scolarisé ou formé, ou ne pourra jamais l’être (PSU total) ;

 * Conséquences sur le projet scolaire initial :

- Un retard dans la réalisation du projet : perte d’années, redoublement en raison des difficultés ;

- Impact sur la difficulté du projet : gêne ou pénibilité d’apprentissage, surcroît de travail ;

- Impact sur la faisabilité du projet : absences fréquentes pour soins, fatigue, perte de motivation ;

- Baisse des résultats ;

 *Aménagement du cadre scolaire ou de formation :

-Aménagement du cadre scolaire : tiers temps, programme d’un an sur deux ans ;

-Aide nécessaire : soutien scolaire, AVS, classe avec effectif réduit ;

-Allongement de la durée des études ;


Indépendance entre instruction et finalité professionnelle

Il est parfois soutenu que l’indemnisation d’un préjudice professionnel total exempterait de l’indemnisation du préjudice scolaire au motif que la scolarité́ ne viserait que la recherche d’un emploi. Or les enfants les plus gravement handicapés qui se retrouvent privés de tout cursus scolaire subissent un préjudice scolaire indemnisable qu’il convient de reconnaître de manière autonome par rapport aux conséquences professionnelles futures[1],[2]

[1] L'autonomie des postes "préjudice scolaire" et "incidence professionnelle" chez les jeunes enfants, C. Bernfeld, Gaz. Pal. 10 mars 2012, n°70, p. 22

[2] La notion d’éducation est définie par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme dans son article 26, 2° : « L’Éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux et religieux, ainsi que le développement de l’activité des Nations unies pour le maintien de la paix. »

 

III. Mission d’expertise

Si la victime est scolarisée ou en cours d’études, dire si, en raison des lésions consécutives au fait traumatique, elle a subi une perte d’une ou plusieurs année(s) scolaire(s), universitaire(s) ou de formation, et/ou si elle est obligée le cas échéant, de se réorienter ou de renoncer à certaines formations ;

Préciser si, en raison du dommage, la victime n’a jamais pu être scolarisée ou si elle ne l’a été qu’en milieu adapté ou de façon partielle ;

Préciser si la victime a subi une gêne, des absences, des aménagements, un surcroît de travail, ayant perturbé le cours normal de sa scolarité (AVS, tiers temps, baisse de ses résultats, pénibilité, etc.)

IV. Méthode d’évaluation

Après avoir pris connaissance du dossier scolaire, de formation ou universitaires avant et après le fait générateur, l’expert doit interroger la victime et ses proches, écouter les difficultés exposées par la victime et son entourage, afin de décrire ce poste de préjudice.

 ❖  Critères

 L’expert doit décrire s’il existe, en lien avec le dommage, notamment :

 -         Une perte d’une ou plusieurs années ;

-         Une gêne et/ou une pénibilité dans l’apprentissage, un surcroît de travail, etc. ;

-         Des absences en raison des soins, d’une rééducation, d’une fatigue, d’une perte de motivation, etc. ;

-         Les aménagements perturbant le cours normal de la scolarité : soutien scolaire, AVS, tiers temps, classe avec effectif réduit en milieu intégré ou non  (ULIS, IME, etc.[1]), enseignement à distance (CNED), enseignement en service médico-social ;

-         Une baisse des résultats, échec aux examens ou concours ;

-         Un allongement de la durée des études (ex. : programme d’une année répartie sur deux ans) ;

-         Un changement d’orientation et/ou une formation imposée par le handicap (changement de filière ou d’option, orientation vers un établissement moins sélectif, classe ou établissements pour enfants handicapés …) ;

-         Un préjudice scolaire total, l’enfant ne pouvant jamais être scolarisé ;

-         Frais de scolarité supplémentaires, etc.

 

❖  Outils

 Pour décrire ce poste de préjudice, l’expert pourra notamment se référer :

 -         Au dossier scolaire ante et post fait générateur : composé des bulletins de notes, des diplômes déjà obtenus, des souhaits d’orientation formulés par la victime, du projet personnalisé de scolarisation.

 -         A l’environnement familial (comparaison avec le parcours de la fratrie ou des parents). A l’inverse, la comparaison ne doit pas être discriminatoire. 

 -         Aux déclarations, certificats et attestations de toute personne pouvant témoigner du parcours de la victime : médecins et soignants, éducateurs, AVS, enseignants, camarades de classe, proches, etc.

[1] Voir annexe


Les autres documents ANADOC sur le préjudice scolaire, universitaire ou de formation