Préjudice d’agrément
25 avril 2025
Ce poste vise à décrire la difficulté ou l’impossibilité de pratiquer une activité spécifique de loisir.
Il s’agit d’un préjudice permanent à savoir post consolidation, qui s’apprécie de manière autonome.
En revanche, en l’état actuel de la jurisprudence, le préjudice d’agrément temporaire est en principe inclus dans le Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT). Par ailleurs, le préjudice d’agrément spécifique doit être distingué de l’atteinte à la qualité de vie qui est évaluée au titre du déficit fonctionnel permanent.
I. Définition
❖ Rapport Dintilhac
« Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.
Ce poste de préjudice doit être apprécié in concreto en tenant compte de tous les paramètres individuels de la victime (âge, niveau, etc.). »
❖ jurisprudences
Le préjudice d’agrément est autonome et ne se confond pas avec les troubles dans les conditions d’existence pris en compte dans le déficit fonctionnel permanent (Cass. Civ.2ème, 24 octobre 2019, 18-19.653, Inédit);
Le préjudice d’agrément comprend la limitation d’une pratique antérieure (Cass. Civ, 2ème, 29 mars 2018, 17-14.499 publié au bulletin; Cass., Civ. 1ère, 26 juin 2024, 23-15.345);
Le préjudice d’agrément peut exister même si la victime avait déjà une pratique antérieure des loisirs limitée avant l’accident (Cass, civ, 1ère, 20 octobre 2021, 19-23.229);
Le préjudice d’agrément peur être reconnu même en l’absence d’inaptitude fonctionnelle dès lors que l’état psychologique de la victime fait obstacle à la reprise de cette activité (Cass. Civ, 2ème, 5 juillet 2018, 16-21776);
Le préjudice d’agrément peut exister même lorsque la victime se trouve dans un état végétatif. En effet, l’absence de conscience ne constitue pas un motif d’exclusion de ce type de préjudice (CE, 5ème ch. 13 décembre 2022, 458396, Inédit au recueil Lebon);
II. Contenu
Son appréciation par l’expert s’effectue « in concreto » au regard des éléments rapportés par la victime et imputables au fait dommageable. Il n’est pas dans le rôle de l’expert, mais dans celui des régleurs, de vérifier l’existence de la pratique antérieure.
En revanche il relève de sa mission de corréler l’impossibilité ou la difficulté invoquée aux séquelles constatées.
Ce poste concerne :
- Tous les types d’activités de loisir : culturelles, sportives, associatives (Voir les exemples en annexe).
- La privation et la limitation des pratiques antérieures au fait traumatique telles que performances moindres, conditions d’exercice plus contraignantes, fatigabilité accrue.
S’agissant des jeunes victimes :
Il est parfois impossible de justifier d’activité pratiquée avant le fait dommageable. Dans cette situation l’expert pourra retenir une perte de chance de la jeune victime de pouvoir exercer une activité sans exiger la preuve de la pratique antérieure de l’activité concernée.
L’expert doit préciser que les activités mobilisant certains membres par exemple sont impossibles, pénibles ou difficiles. Le juge en tirera les conséquences.
C’est en sens que s’établit la jurisprudence des juges du fond :
o CA Versailles 3ème chambre, 31 mars 2011, n° 08/6333
o TGI Paris 19ème chambre, 28 novembre 2016 n012/14203
o CA de Nîmes, 1ère chambre, 17 avril 2014 n° 11/04314
III. Mission d’expertise
Décrire toute impossibilité ou gêne, fonctionnelle ou psychologique, dans l’exercice d’activités de sport ou de loisirs que la victime indique pratiquer ;
Donner un avis médical sur cette impossibilité ou cette gêne, sans prendre position sur l’existence ou non d’un préjudice afférant à cette allégation ;
Donner un avis sur la perte de chance de pouvoir pratiquer de nouvelles activités de sport ou de loisir.
IV. Méthode d’évaluation
Pratique des activités :
L’expert reçoit les déclarations de la victime décrivant ses activités antérieures et les activités qu’elle ne peut plus envisager d’exercer. L’expert les énonce dans son rapport et donne une appréciation au regard de l’incapacité de la victime. Il s’appuie pour cela sur les caractéristiques propres de la victime et de son dommage (séquelles, âge, niveau sportif, état psychologique… etc.).
Régularité et fréquence des activités :
Concernant la régularité et la fréquence d’exercice des activités, l’expert reçoit les déclarations de la victime qui seront documentées devant le juge ou le régleur ;
Matériel :
L’expert doit décrire les appareillages et matériels médicaux adaptés au handicap et permettant une certaine pratique de loisirs (fauteuil roulant tout terrain, prothèses, biski, lève-personne de piscine…).
Justificatifs de l’activité antérieure :
L’expert n’a pas à les demander. Ils seront fournis au régleur qui appréciera leur pertinence (attestations, photos, factures, inscriptions aux clubs de sports, licences sportives, inscriptions à des manifestations, passeport et visas, articles de journaux, œuvres artistiques, abonnements théâtre, cinéma, opéra…).
V. Exemple de conclusion
Jeune femme de 23 ans victime d’un accident de ski, taux d’incapacité 15 % :
Mme X indique qu’avant son accident elle pratiquait régulièrement la course à pied tous les 15 jours, le tennis une fois par mois, le yoga en club une fois par semaine, le ski et la natation en saison.
L’état séquellaire ne permet plus la pratique de la course à pied, car la victime présente une limitation à la marche rendant impossible la reprise de la course à pied, ainsi que le tennis, du fait de l’impossibilité de courir, et le yoga ne pourra être pratiqué que de façon adaptée.
En revanche si l’état physique permettrait la reprise raisonnable du ski, il existe une véritable incapacité à la reprise de cette activité en raison de l’appréhension psychologique, enfin la natation peut être reprise.
VI. ANnexe
Annexe n° 1 – Exemples de jurisprudences
Les autres documents ANADOC sur le préjudice d’agrément