Préjudice sexuel

25 mai 2020



Le préjudice sexuel concerne, pour la période post-consolidation, à la fois le retentissement de l’atteinte morphologique des organes sexuels primaires ou secondaires, les perturbations de la vie sexuelle et l’impact sur la procréation.

 En revanche en l’état actuel de la jurisprudence le préjudice sexuel temporaire est inclus dans le Déficit Fonctionnel Temporaire (DFT).

Bannière.png

I. Définition

❖        Rapport Dintilhac

 « Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle.

 Il convient de distinguer trois types de préjudices de nature sexuelle :

  •  Le préjudice morphologique qui est lié à l’atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subis ;

  •  Le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l’acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) ;

  •  Le préjudice lié à l’impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes, comme le préjudice obstétrical, etc…) ».

 

Le rapport Dintilhac précise en outre :

 « Là encore, ce préjudice doit être apprécié in concreto, en prenant en considération les paramètres personnels de chaque victime ».

❖        JURISPRUDENCE

-        Cass. 2ème civ., 3 juin 2010 n° 09-13.246 et Cass. 2ème civ. 4 novembre 2010, n°09-69.918 : le préjudice sexuel subi avant la consolidation est une composante du déficit fonctionnel temporaire.

-        Cass. 2ème civ., 17 juin 2010, n° 09-15.842 : reprise exacte de la définition de la nomenclature Dintilhac par la Cour de cassation manifestant ainsi la nécessité de n’omettre aucune des composantes de ce préjudice.

-        Cass. 2ème civ., 12 mai 2011 n°10-17 148 : le préjudice sexuel est un préjudice autonome distinct des préjudices d'établissement et d'agrément.

-        Cass. 2ème civ., 24 mai 2017, n°16-17.563 : la Cour de Cassation reconnait que «l’importance des mécanismes psychiques de ralentissement cognitif global, de dépressivité et de dévalorisation de soi » caractérise l’existence d’un préjudice sexuel. Il suffit que la perte de capacité existe, sans qu’elle soit nécessairement totale.

-        Cass. 2ème civ., 4 avr. 2019, n°18-13.704 : la gêne positionnelle est un préjudice sexuel

II. Contenu

Les experts décriront minutieusement les diverses facettes du préjudice sexuel et la victime devra être invitée à s’exprimer.

1.     Atteintes morphologiques :

▪        organes primaires : retentissement des atteintes anatomiques aux organes sexuels,

▪        caractères sexuels secondaires : retentissement des modifications anatomiques qui portent atteinte à l’identification sexuelle de la personne. Exemples : modifications de la pilosité (pubis, visage, reste du corps), modification de la sensibilité des zones érogènes, lésions buccales, etc.

2.     Altérations de la vie sexuelle :

▪        une perte ou une diminution de l’envie ou du plaisir (perturbations de la libido): effets secondaires des thérapeutiques, perte d’intérêt ou d’envie, anhédonie,  image dévalorisée du corps, rejet de la sexualité…

▪        une perturbation neuropsychique des pratiques sexuelles antérieures quelles qu’elles soient : sexualité exacerbée, débridée, violente ou au contraire appauvrissement, indifférence…

▪        une limitation ou une impossibilité physique de pratiquer l’acte sexuel (incluant les pratiques solitaires) : gênes positionnelles, troubles de l’érection, dyspareunie, douleurs…

▪        une limitation ou une impossibilité situationnelle de pratiquer ou d’envisager l’acte sexuel : cohabitation impossible avec le partenaire, isolement (hospitalisations répétées, institutionnalisations)…

3.     Capacités de procréation, même si leur aspect physiologique a été par ailleurs évalué au titre du déficit fonctionnel permanent :

▪        difficultés, retard ou abandon du projet de procréation, médicalisation de l’acte de procréation (PMA…),

▪        modifications des conditions de la grossesse et de l’accouchement,

▪        stérilité, baisse de la fertilité.

III. Mission d’expertise

 Décrire et donner un avis sur l’existence d’un préjudice sexuel en précisant s’il recouvre l’un ou plusieurs des trois aspects pouvant être altéré séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : la libido, l’acte sexuel proprement dit (impuissance, frigidité, gêne positionnelle …) et la fertilité (fonction de reproduction) ;

Bannière.png

IV. Méthode d’évaluation

Au cours de son examen, l’Expert doit interroger la victime, avec tact et délicatesse, sur les troubles sexuels et les impacts sur sa sexualité découlant du fait générateur et des séquelles, que ces dernières soient physiques ou psychiques.

Une cohérence doit être recherchée entre les doléances, le dossier médical et l’examen clinique. Même en l’absence de doléances l’expert doit rechercher :

-        une atteinte anatomique des organes sexuels,

-        les atteintes neurologiques affectant la sexualité,

-        les mécanismes psychiques invalidants,

-        des résultats d’examens spécifiques (fertilité, dépistage d’une IST en cas d’agression sexuelle),

-        la prescription de traitements en lien avec le fait dommageable responsables d’effets secondaires altérant la sexualité (antidépresseurs et psychotropes, antalgiques, bétabloquants… ),

-        la nécessité de traitements ou de moyens techniques ou humains destinés à compenser une impuissance, une stérilité ou des difficultés à l’accomplissement de l’acte sexuel.

Il est souhaitable que l’Expert :

-        recueille, oralement ou par écrit, les dires du ou des partenaires et, le cas échéant,  des proches de la victime,

-        s’interroge sur les circonstances du fait dommageable qui peuvent majorer ou être à l’origine de ce poste de préjudice (agressions sexuelles, implication du partenaire dans le dommage, acte a priori sans connotation sexuelle pouvant entraîner pour la victime un retentissement sexuel…),

-        s’interroge sur les conséquences d’un tableau séquellaire non sexuel pouvant cependant être à l’origine d’une carence affective et sexuelle (exemples : institutionnalisation, perte de mobilité, altération de l’image du conjoint devenu aidant, etc..),

-        décrive précisément les thérapeutiques palliatives ou substitutives nécessaires au maintien d’une activité sexuelle en rappelant les contraintes induites par ces traitements. La fréquence, la durée et la posologie des traitements devront être précisées de sorte à faciliter la fixation de leurs coûts pour les régleurs.

En cas de difficultés liées à la pudeur de la victime en réunion d’expertise, son médecin conseil pourra intervenir spécifiquement sur ce sujet.

❖    Formulation et Cotation

 L’évaluation de ce poste de préjudice ne s’effectue pas à partir d’une échelle de cotation comme pour les souffrances et le préjudice esthétique.

 Le rôle de l’Expert consiste donc à décrire précisément et de manière exhaustive, sans préjugé ni appréciation morale :

-        les éléments constitutifs de ce poste de préjudice,

-        les conditions de vie et les spécificités de la situation du blessé (âge, situation familiale, croyances).

Comme pour les autres postes, dès lors que la victime est consolidée, les troubles sexuels constatés doivent être considérés comme définitifs.

 S’agissant du préjudice sexuel du partenaire, même si ce poste n’est pas l’objet de l’expertise il devra être mentionné comme une indication utile pour les régleurs.

 


Les autres documents ANADOC sur le préjudice sexuel